Focus sur la LURA


La dernière réforme des retraites du 20 janvier 2014 a prévu la mise en place de la liquidation unique des régimes alignés ou LURA à partir de 2017. Il s’agit de prévoit une seule pension de retraite pour les assurés qui ont cotisé dans les régimes de base RG, MSA et RSI. Initialement prévue au 1er janvier, elle n’entrera « normalement » en vigueur qu’à partir du 1er juillet 2017 suite aux difficultés techniques rencontrées par certains régimes comme le RSI (régime des indépendants). Qui est concerné ? Qu’est-ce que ça change concrètement pour les polypensionnés ? Qui sera gagnant ? Qui sera perdant ? Explications :

La LURA

La LURA et ses conséquences

La LURA : un seul montant de retraite pour un grand nombre d’assurés

Le système de retraite français a été rendu complexe par la multiplicité des régimes de retraite qui ont été mis en place. Il en existe actuellement plus d’une trentaine, avec les difficultés de gestion que l’on peut imaginer : des gestionnaires retraite différents, des modalités de liquidation et de calcul différentes, des dates de versement de pension différents etc. Afin de remédier à cette situation particulièrement pénalisante pour les polypensionnés (les assurés qui ont cotisé à plusieurs régimes au cours de leur carrière), il a été prévu de longue date de « simplifier les démarches de liquidation des retraites« .

1ère étape : mettre en œuvre la LURA (liquidation unique des régimes alignés). Cette mesure doit permettre aux assurés qui ont cotisé dans les régimes salarié (RG), agricole (MSA) et artisan/commerçant (RSI) de n’avoir plus qu’une seule pension de retraite. Attention, cela ne concerne pour l’instant que les « régimes alignés » évoqués ci-dessus. Les retraites complémentaires, ainsi que les « régimes spéciaux » (fonctionnaires, SNCF, RATP etc.) en sont exclus. Il ne s’agit donc que d’une partie seulement des régimes de retraite français.

Quelle conséquence sur la retraite des polypensionnés ?

Pour les monopensionnés (qui n’ont cotisé que dans un seul régime de base sur leur carrière), cela ne change strictement rien à ce jour. Par contre la donne est différente pour les polypensionnés.

Prenez Jean-Jacques. Il est né le 25 septembre 1956 et pourra prendre sa retraite au taux plein dès 62 ans (au 1er octobre 2018) si il réunit les trimestres de retraite requis pour sa génération (166 trimestres). Sa carrière est scindée en 2 : un début d’activité en tant que salarié qui lui a permis d’acquérir 100 trimestres. Une 2e partie de carrière en tant qu’indépendant qui lui a permis de récupérer 66 trimestres. Au total il a donc une carrière complète (166 trimestres) mais ces droits sont répartis à la fois au RG et au RSI. Chaque régime calcule une pension proportionnellement aux salaires cotisés et aux trimestres acquis chez lui.

Le fait de séparer en 2 pensions la retraite de l’assuré peut avoir des conséquences financières importantes, particulièrement au regard des salaires/revenus perçus au cours de la carrière. En effet le principe actuel est de calculer un salaire annuel moyen (SAM) représentatif des 25 meilleures années cotisées dans le régime. Pour un monopensionné il suffit de piocher les 25 meilleures années sur l’ensemble de la carrière. Mais pour un polypensionné il faut opérer une règle de proratisation :

Reprenons Jean-jacques : il a cotisé 25 ans au RG (100 trimestres) et environ 16 ans au RSI. Il faut alors effectuer le calcul suivant afin de piocher des « meilleures années dans chacun des régimes » pour que cela soit représentatif de la carrière globale.

  • RG : 25 X 100/166 = 15 années
  • RSI : 25 X 66/166 = 10 années

Concrètement, pour calcul les pensions il faudra prendre un salaire annuel moyen composé obligatoirement de 15 années au RG et de 10 années au RSI.

La LURA : qui est gagnant ?

Nous venons de voir plus haut que pour un polypensionné le salaire annuel moyen est obligatoirement composé de meilleures années prises en compte dans chacun des régimes au prorata de la carrière qui y est effectuée. Cela oblige à prendre des années dans tous les régimes quand bien même ce ne soient pas les meilleures années cotisées de la carrière !

Ainsi par exemple, si je commence à travailler durant 5 ans au RG avec des petits salaires type jobs d’été et que j’effectue le reste de ma carrière au RSI, je serai obligé de prendre en compte pour le calcul du SAM des années accomplies dans les 2 régimes. Or mes salaires perçus en début de carrière au RG sont très faibles donc je suis pénalisé !

Avec la LURA cette règle de proratisation du SAM tombe puisque les assurés qui ont cotisé dans plusieurs « régimes alignés » n’ont plus qu’un seul montant de retraite. Ils deviennent donc monopensionnés et pour calculer leur pension il suffira de piocher sur l’ensemble de leur carrière (tous régimes confondus) les 25 meilleures années cotisées. Il n’y a plus de risque de devoir comptabiliser des années avec des salaires faibles…

La LURA : qui est perdant ?

Il y a quand même un revers de la médaille : si l’impact de la LURA sur le SAM est indéniable et forcément positif, il y a des assurés qui pourraient être pénalisés par un autre impact :

En effet, lorsqu’on calcule une retraite, le nombre de trimestres cotisés dans le régime n’est pris en compte que dans la limite de la carrière requise pour le taux plein (par exemple : un assuré né en 1956 doit réunir 166 trimestres). Si l’assuré a accompli plus de trimestres que nécessaire, ceux-ci sont… perdus.

  • Martin est né le 12 mars 1956. Il a accompli 175 trimestres, tous en tant que salarié au RG. Le calcul de la pension se fera par rapport au nombre de trimestres requis pour sa génération (166 trimestres) et non par rapport à ses trimestres réellement acquis (175). Il a donc perdu 9 trimestres !
  • Par contre, si Martin avait été polypensionné (par exemple 120 trimestres au RG et 55 trimestres au RSI), les règles actuelles l’avantagent puisque, comme chaque régime comptabilise des droits dans la limite de 166 trimestres. Il ne les a atteint dans aucun des régimes (120/166 au RG et 55/166 au RSI). Aucun trimestre n’est perdu. Avec la LURA et la mise en œuvre d’une seule pension de retraite, tous les trimestres (comme pour le SAM) sont réunis dans un seul montant de pension : ainsi sa pension unique sera calculée dans la limite de 166 trimestres. Les 9 trimestres accomplis au-delà sont définitivement perdus.

Ainsi il est clair que le nouveau mécanisme de la LURA sera pénalisant pour les assurés qui ont ou ont eu une double activité, par exemple salarié et auto-entrepreneur, et qui cotisent donc à deux « régimes alignés » en même temps. Le manque à gagner est réel.

un seul conseil : Si vous avez la possibilité de partir avant le 1er juillet 2017, pensez à demander une estimation de retraite pour un départ avant et après cette date. Ainsi vous verrez si, en tant que polypensionné, quelles sont les règles qui sont plus favorables… Rendez-vous sur www.info-retraite.fr pour effectuer votre simulation.

 

 

Auteur : Florent SARRAZIN

9 Commentaires

  • Françoise B dit :

    Bonjour,

    D’après moi, cette loi va défavoriser essentiellement … des femmes !!!
    En effet, personnellement, j’ai travaillé 166 trimestres à fin 2016.Effectivement, cette loi me fait perdre … mes 16 trimestres enfants !!! Je suis polypensionnée ET en carrière longue.

    J’ai calculé que je perdais 176€ brut mensuels. Apparemment, aucun choix là-dessus. C’est appliqué, point barre. Et comme je suis née le 27 juin, je n’i aucun moyen d’y échapper.

    Sachant que j’ai travaillé 8 ans dans une caisse de retraite, je suis profondément choquée du maintien des privilèges des régimes spéciaux … qui plombent le système depuis des décennies.

    Les seigneurs d’aujourd’hui étant les fonctionnaires et la réforme de la Fonction Publique étant impossible, cette LURA est clairement une déclaration de guerre civile entre salariés du privé contre ceux du public. Les fillonnades et macronites ne sont que batailles de campagne de diversion mais qui va réveiller les français(e)s berné(e)s, pour qu’ils ouvrent les yeux ???

    En quoi tirez-vous profit de cette loi scélérate ? En facturant des audits ?
    Merci de cette précision.
    Cordialement.

    • Bonjour madame,

      Est-ce que votre message vise directement la nouvelle LURA (liquidation unique des régimes alignés) ? Ou est-ce simplement une volonté de dénoncer les « prétendues » inégalités public/privé en matière de retraite ? Car ce n’est pas la même chose.

      En effet la LURA ne concerne pas les régimes spéciaux tels que le régime des fonctionnaires mais uniquement les régimes dits « alignés » (RG, RSI et MSA). Son objectif est de réduire le nombre de polypensionnés dans ces régimes en leur/vous permettant de liquider une pension de base* unique et d’avoir un seul montant de retraite. L’intérêt est donc de déterminer des conditions de calcul de pension sur l’ensemble d’une carrière et non plus séparément pour chaque régime concerné.

      Ainsi par exemple la détermination du salaire annuel moyen sur les 25 meilleures années se fera sur l’ensemble des années cotisées tous régimes et non plus régime par régime. Cela deviendra donc plus intéressant pour la très grande majorité des polypensionnés. Certes, une minorité pourra être pénalisée, notamment ceux qui ont fait du cumul d’activité avec des cotisations versées simultanément dans des régimes différents, ou encore ceux qui ont toujours eu de très bons revenus dans tous les régimes auxquels ils ont cotisé.
      L’objectif derrière cette réforme de la LURA est de réduire le nombre de régimes de retraite. Au delà de faire de réelles économies de gestion, elle apparaît selon nous comme une avancée importante pour les polypensionnés.

      Vous évoquez également :  » personnellement, j’ai travaillé 166 trimestres à fin 2016. Effectivement, cette loi me fait perdre … mes 16 trimestres enfants !!! Je suis polypensionnée ET en carrière longue »
      Je n’ai pas suffisamment d’informations vous concernant pour bien comprendre votre situation mais pourquoi est-ce que vous perdez vos trimestres enfants ? Et comment obtenez vous les 176 € bruts mensuels de perte sèche ?

      Enfin, quand à l’éternel débat public/privé je souhaite simplement vous souligner qu’il ne faut pas loger tous les fonctionnaires à la même enseigne comme on ne peut pas comparer tous les salariés du secteur privé. Si le calcul de la pension FP apparaît comme plus favorable que celle du privé, il faut prendre en compte l’ensemble des facteurs et notamment :
      -la retraite des fonctionnaires est calculée sur le salaire de base sans les primes : or, pour beaucoup de fonctionnaires les primes représentent une part très importante de leur brut total.
      -On a créé un régime « additionnel » sur le modèle ARRCO/AGIRC pour intégrer leurs primes dans leurs retraite mais il est plafonné et très peu rémunérateur comparé au privé.

      *les régimes complémentaires ne sont pas concernés

  • Mirabel 55 dit :

    Bonjour
    Effectivement. Bien trompées les femmes qui ont levé le pied pour élever leurs enfants (et ceux de leur compagnon)… Même situation, perte des trimestres pour 4 enfants et perte de plus de 100 € par mois sur une retraite brute de 1100 €!
    Où est l’égalité que l’on nous prône? Egalité homme – femme : pourquoi les femmes auraient-elles des trimestres en plus ?
    Il me semble que les journalistes batifolent sur des sujets concernant ceux qui aspirent à nous gouverner sans se pencher réellement sur les décisions des gouvernants. De quoi être écoeurée, dépitée…

  • Mirabel 55 dit :

    Petite suite,
    Si Florent SARRAZIN a plus de détail que la MSA et la CARSAT pour m’expliquer pourquoi les trimestres pour enfants ne rentrent plus dans le calcul de la future pension, je suis preneuse ( carrière sur 4 régimes : 1 spécial CRPCEN, 1 MSA non salariés et 2 entrant dans le cadre de la LURA Salariés RG + MSA)
    Cordialement

  • Mirabel 55 dit :

    Bonjour,

    ma situation semble trop complexe pour le simulateur de l’assurance retraite. Je ne parviens même pas à éditer mon relevé de carrière via le site.
    Mais is je peux vous faire parvenir le relevé 2016 et celui du 13/03/17 qui ne m’était pas parvenu pour mon RDV du 15/03 à la MSA, je le ferai volontiers.
    Les agents, qui ne font que tenter d’appliquer quelques chose dont ils n’ont pas encore les contours précis, n’osent plus s’avancer.
    On ne parle plus que de la formule magique pour personnes née en 1955 : SAM * 50% * 166 trimestres minimum requis pour taux plein et à la fois maximum. Que deviennent les 4*8 32 trimestres pour enfants comptabilisé précédemment???
    Cordialement
    Mirabelle 55

    • Bonsoir,

      En réalité la majoration de durée d’assurance pour enfant (les 8 trimestres) doit intervenir dans le calcul mais elle est faîte pour combler un vide laissé par une interruption d’activité qui fait que j’ai des trimestres en retard !
      Dans votre cas si vous avez déjà les 166 trimestres acquis et que les 4×8 32 trimestres enfants viennent s’ajouter, cela ne vous rapporte rien ! Le calcul est plafonné sur la base du nombre de trimestres requis pour votre génération (166 T.).

      J’insiste sur le fait que les droits acquis au titre des enfants (dont la majoration 8 trimestres fait partie) sont là pour combler un vide et non pour octroyer un bonus de pension !

      Bonne soirée

  • ANNIE GUIGNET dit :

    Mon cas :
    J’ai travaillé 17 ans de 77 à 93 (en fait 16 ans et 3 mois) sous le régime général et 15 jours en 75 et 1 mois en 76 sous le régime MSA pendant que j’étais étudiante.
    Depuis 1993, je dépends de la fonction publique.
    Avec la LURA, mes 1 mois et demi de travailleuse agricole rentrent dans le calcul de ma retraite régime général pour 2 ans. Je n’ai pas encore calculé la perte mais elle sera conséquente.

  • Eveline dit :

    Née en 1955, au 01/01/2018 j’aurais cotisé 168 trimestres et validés 184 trimestres, comme vous tous, polypensionnée, je perdrai sur ma future retraite avec la LURA car le maxi pris en compte est bien 166 trimestres. Mais ceci, personne ne vous le dit et seul un tout petit astérix sur l’assurance retraite le mentionne. Arrêtons de dire que chaque enfant donne le droit à 8 trimestres et incitons à les femmes à s’arrêter 2 ans à chaque naissance car la retraite de base sera la même. Si vous posez la question à la MSA ou à la CARSAT, ils persistent à vous dire que bien sûr les trimestres comptent pour les enfants ….. seuls les simulateurs où les calculs sur excel vous font comprendre cette chose là, mais ça peu de gens le savent !!

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