Il existe aujourd’hui une multitude de régimes de retraite en France, avec des caisses distinctes, des interlocuteurs spécifiques, des demandes de retraite spécifiques, des modalités de calcul différentes etc. Au delà de la difficulté pour s’y retrouver, particulièrement lorsque l’on a une carrière mixte et des droits retraite répartis dans différents régimes, les avantages propres à chacun font l’objet de beaucoup de fantasmes et de « on-dit », pas toujours fondés ce qui contribue à créer des fractures au sein de la société. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on évoque les « régimes spéciaux » de retraite comme le régime SNCF, RATP, les IEG (industries électriques et gazières) et bien d’autres.
Nous nous attacherons donc dans cet article à tailler en brèche certaines idées reçues, et éventuellement à en confirmer d’autres sur les conditions de départ à la retraite des assurés affiliés à des régimes spéciaux… Précisions :
Pourquoi existe-t-il des régimes spéciaux ?
La création du système de retraite par répartition tel qu’on le connaît aujourd’hui date de 1946 avec le Régime général de Sécurité sociale. L’idée de départ était d’intégrer toutes les corporations, tous les métiers au sein d’un seul régime de retraite. Mais le projet a rencontré un rejet massif et chacun a finalement décidé de rester dans son régime spécifique (régime des mines créé dès 1894, régime des chemins fers dès 1855 etc.), ou de s’en créer un.
Si certains régimes comme le RSI (artisans-commerçants, indépendants) et la MSA (personnel agricole) se sont progressivement alignés sur le régime général de Sécurité sociale et ont harmonisé leurs règles de calcul, les autres régimes dits « spéciaux » campent sur leurs acquis et veulent à tout prix éviter un « alignement vers le bas » de leurs prestations servies.
Combien de personnes sont concernées par les régimes spéciaux ?
On parle d’environ 5 millions de personnes qui travaillent dans entreprises, établissements, organismes affiliés à des régimes spéciaux de retraite. Parmi les plus gros employeurs ont notera bien entendu les fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et de l’hospitalier, la SNCF, la RATP, EDF/GDF etc.
Cela ne représente pas un nombre suffisant de cotisants lorsqu’on le compare avec le nombre de retraité actuel. Or le système par répartition nécessité que le ration cotisants/retraités soit excédentaire : il est de 0,68 dans le régime SNCF ou encore de 0,88 à la RATP. On est loin du ratio 1,3 que l’on retrouve au Régime général de Sécurité sociale… Or les pensions de retraite doivent tout de même être versées !!! Lorsque les cotisations des actifs ni suffisent pas, les autres régimes de retraite font marcher la solidarité financière inter-régimes et l’État renfloue les caisses.
Les régimes spéciaux ont-ils vraiment des règles de calcul plus avantageuses ?
C’est ce que l’on entend beaucoup dans l’opinion publique, et particulièrement de la part des salariés du secteur privé qui s’estiment lésés par rapport à leurs concitoyens qui cotisent dans les régimes spéciaux. Deux éléments cristallisent les passions : la base de salaire prise en compte pour le calcul des pensions, et l’âge d’ouverture de droits à pension.
Pour le premier point, la plupart des régimes spéciaux prennent le dernier salaire perçu par l’assuré alors qu’au Régime général on se base sur la moyenne plafonnée des salaires perçus durant les 25 meilleures années de la Carrière. Néanmoins il faut préciser que les salariés du privé ont également des retraites complémentaires (AGIRC/ARRCO) pour compléter les revenus en sus du Régime général, et que l’on prend comme assiette de cotisations retraite la rémunération brute globale, primes comprises, ce qui n’est pas le cas des régimes spéciaux. Ne pas prendre en compte les primes et autres indemnités perçues dans l’assiette de cotisations des régimes spéciaux a un impact significatif pour les futurs retraités.
Pour le second point, certaines catégories de personnel qui font face à une « pénibilité importante » (personnel roulant à la SNCF et la RATP, personnel médical dans la Fonction publique hospitalière, surveillant pénitentiaire dans la Fonction publique d’État etc.) peuvent bénéficier d’un départ anticipé par rapport au secteur privé. Parfois dès 50 ou 52 ans quand l’âge est fixé, pour tous les salariés, à 62 ans. Le souhait d’harmoniser les conditions d’âge de départ à la retraite se heurte à une vive opposition dans les régimes spéciaux qui maintiennent une pression politique, syndicale et médiatique.
Les réformes passées, en cours, et à venir concernent-elles également les régimes spéciaux ?
Contrairement à ce qui est évoqué régulièrement, la très grande majorité des régimes spéciaux subit également les réformes des retraites applicables aux salariés. Ainsi, la réforme de 2010 qui a provoqué un allongement de l’âge légal d’ouverture de droits à la retraite de 2 ans a également été appliquée dans ces régimes. Si le relèvement de l’âge ne fait pas toujours au même rythme, des « gros régimes » comme la SNCF et la RATP en ont acté la mise en œuvre. On est cependant encore très loin d’un âge moyen de départ à 62 ans…
Autre réforme en 2014, l’allongement des annuités nécessaires pour liquider sa pension de retraite sans décote. On est désormais passé à 43 ans (172 trimestres) pour les générations nées en 1973 et après. De la même manière que pour l’âge, l’allongement de la carrière se fait progressivement, mais toujours à un rythme différent dans les régimes spéciaux…
Il reste fort à parier que les futures réformes que l’on nous annonce (et notamment un relèvement de l’âge d’ouverture de droits de 62 à 64 voir 65 ans) seront applicables dans l’ensemble des régimes de retraite français, régimes spéciaux compris. À voir.