Contexte : la réforme Touraine et l’évolution des règles de cotisation
La réforme Touraine de 2013, mise en œuvre à partir de 2014, a fixé un cap clair : porter progressivement la durée de cotisation à 43 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Ce palier devait être atteint pour les générations nées à partir de 1973. L’objectif principal était d’assurer l’équilibre financier du système face au vieillissement de la population et à l’allongement de l’espérance de vie.
À l’époque, l’espérance de vie à la retraite augmentait régulièrement, justifiant aux yeux du législateur un allongement de la durée d’activité.
Les arguments pour un retour à 42 ans : l’évolution démographique et la pénibilité
Depuis plusieurs années, l’espérance de vie progresse moins rapidement. Entre 2010 et 2022, l’espérance de vie à 60 ans a marqué un net ralentissement, avec des périodes de stagnation, voire de recul notamment lors de la pandémie. Ce phénomène alimente les revendications visant à limiter l’allongement de la durée de cotisation.
La France insoumise (LFI), à l’origine de la proposition de novembre 2024, soutenue par les partis du Nouveau Front Populaire, défend l’idée que 42 ans de cotisation suffisent pour garantir un départ digne à la retraite. Ce raisonnement s’appuie aussi sur la pénibilité de certains métiers, qui ne permet pas à tous les travailleurs d’atteindre aisément 43 ans de cotisation sans altérer leur santé.
Exemple : un ouvrier ayant commencé à travailler à 20 ans devra travailler jusqu’à 63 ans pour atteindre 43 ans de cotisation, contre 62 ans avec la limite à 42 ans. Ce seuil supplémentaire peut représenter un enjeu de santé publique selon les syndicats.
Un débat politique clivant au sein de la gauche et face à la majorité présidentielle
L’examen du texte a provoqué des divisions, notamment entre La France insoumise et le Parti Socialiste. Ce dernier, qui avait porté la réforme Touraine, reste attaché à cette réforme jugée « responsable » par ses cadres historiques.
Néanmoins, en commission des affaires sociales le 20 novembre 2024, la proposition de retour à 42 ans a été adoptée avec le soutien de l’ensemble de la gauche et du Rassemblement national.
Mais en séance plénière, la proposition s’est heurtée à une obstruction parlementaire orchestrée par les groupes centristes et de droite. Un nombre très important d’amendements a empêché le vote avant l’heure limite de minuit. Le gouvernement a donc décidé de retirer le texte de l’ordre du jour, bloquant de fait l’avancée du processus législatif.
Perspectives : entre blocage institutionnel et débat de société toujours vif
L’échec de ce texte ne met pas fin au débat. La question de la durée de cotisation reste très sensible dans l’opinion publique. Selon un sondage réalisé en octobre 2024, près de 60 % des Français estiment que 42 ans est une durée plus juste et adaptée à la réalité des parcours professionnels.
Le gouvernement, de son côté, reste ferme sur le cadre posé par la réforme Touraine et la réforme de 2023, qui a déjà repoussé l’âge légal de départ à 64 ans.